Reconnaître
l’apport de l’autre et que, sans sa présence et son humanité, rien n’est
possible, c’est la base même d’une démarche d’interdisciplinarité. Par son étymologie, « l’in – ter »
(« in = entre deux, ter = qui s’opposent ») vise « l’Être mieux
ensemble ». Cela commence entre le consultant-formateur et ses
interlocuteurs. B.Choi et A.Pak définissent
l’interdisciplinarité comme une pratique permettant d’analyser et harmoniser
les liens entre des disciplines diverses dans le but commun de résoudre des
problématiques complexes. Dans l’expérience ici relatée, nous pourrions ajouter
qu’elle est une « co-élaboration de pratiques et décisions sans cesse
renouvelées au sein d’une équipe de professionnels ».
Pour répondre aux demandes de
proximité terrain, de pragmatisme et de résultats vérifiables du Comité de
gestion de l’Hôpital de Bellerive (Genève), j’ai proposé une démarche
singulière de formation-action étalée de 2010 à 2012 pour 156 soignants et
basée sur 3 principes fondamentaux :
- Le temps consacré à l’accompagnement de chaque équipe
dans leur colloque interdisciplinaire – CID (4 x1h30 sur 4 mois).
- La pertinence des recommandations adressées
spécifiquement à chaque unité médicale puisqu’elles étaient co-construites avec
les participants.
- Une réflexion collective sur la pratique et le sens de
l’interdisciplinarité lors d’une journée de formation mélant tous les métiers.
Avant d’aborder les champs
d’améliorations possibles, j’ai pu reconnaître ce qui fonctionnait bien au sein
des CID : l’attention aux patients et proches, le respect de la parole et
des engagements de chaque fonction, le traitement rapide de dossiers complexes,
l’adaptation à des conditions de travail difficiles, la culture du partage
d’informations, la place accordée à l’interdisciplinarité, condition nécessaire
à la réussite du projet.
Moins de routine et plus de vitalité dans les
processus de groupe
La démarche de formation action a
initié un processus d’évolution de l’identité groupale, de la communication,
sur les questions fonctionnelles et organisationnelles et a eu les résultats
suivants :
- Mettre du mouvement dans un processus de groupe
- Développer synthèse et pertinence dans la communication
au sein des réunions
- Définir la nature et le type d’informations à échanger
- Développer la compétence de « soignant du
groupe »
- Dépasser les représentations stéréotypées des métiers de
chacun dans une démarche interdisciplinaire.
Enrichis par cette expérience, nous
proposons de développer l’interdisciplinarité comme une transdisciplinarité,
à savoir traversant les frontières entre les disciplines (dans l’ouverture et
le respect). Et donc, comment mieux se compléter pour collaborer, plutôt que se
distinguer pour se protéger. La diversité des fonctions permet dans la pratique
de constater que chaque groupe professionnel exerce un pouvoir d’influence, de
résistance, de décision à sa façon, mais que le pouvoir dont il dispose n’est
jamais inéluctable et définitif. Le reconnaître est une condition de lucidité
de l’action collective, comme l’indique l’universitaire Chantal Leclerc :
« Plutôt que d’être occultée ou laissée au hasard, la question du pouvoir
dans les groupes exige une grande attention ».
Favoriser l’expression des contre-pouvoirs pour
plus de responsabilisation
Le CID peut également devenir alors le
lieu de la mobilité du pouvoir dans l’unité, de l’expression encadrée et sécure
des contre-pouvoirs dans une dimension constructive. Il s’agit là encore d’une
respiration possible dans la dynamique du groupe. Quand l’échange et les
relations interprofessionnelles bénéficient à une équipe, c’est l’ensemble de
l’organisation qui va progressivement en récolter les fruits.
Toute unité médicale traverse à un
moment ou un autre les traditionnels enjeux divergents, rapports de forces
antagonistes suscités par des évènements contextuels qui la dépassent. Dans un
contexte de changement permanent, souvent vécu comme subi dans le monde
hospitalier, le CID reste à un niveau restreint, mais cohérent pour le
soignant, un espace de ressourcement et de soutien par son caractère grégaire,
porteur de sens pour son mieux être-au-travail.
De l’interdisciplinarité en milieu hospitalier
au concept d’interprofessionalité dans les organisations, il n’y a qu’un pas.
Former aux compétences relationnelles, non seulement les managers, mais aussi
les participants, à avoir un rôle responsable et participatif, contribuera à la
qualité et la pertinence des réunions de travail. Plus d’humanité dans les
relations professionnelles, c’est plus de plaisir et donc d’efficacité à moyen
terme.
Pour en savoir plus sur la méthodologie de la démarche
et consulter l’article complet sur la revue des formateurs romands Agora
en Avril 2014: www.arfor.ch